Avant de se faire connaître comme un pédophile, Bernard Preynat était un prêtre respecté et même admiré par ses paroissiens. En supposant même que Bernard Preynat ne cédait à ses penchants qu'à de rares instants, et par conséquent qu'il dédiait la majeure partie de son temps à sa vocation religieuse, il ne fait aucun doute que son esprit devait être focalisé en permanence sur ses fantasmes pervers et sur le besoin pathologique de les assouvir.

Je dirais que c'était un gourou dans tous les sens du terme. Nous, en tant que gamins, quelle était la valeur de notre parole si quelque chose arrivait, étant donné que tous les parents, toutes les personnes adultes et même tous les autres gamins admiraient ce prêtre. Paul, victime du père Bernard

Bernard Preynat était donc parfaitement conscient de ses démons et n'a rien entrepris pour prévenir un passage à l'acte coupable. Non seulement Bernard Preynat n'a rien fait pour se soigner, mais il a profité de son autorité et de sa notoriété publique pour mettre au point, tel un prédateur, un mode opératoire, lui permettant d’atteindre, le mieux possible, son objectif principal. Obtenir une jouissance sexuelle, en utilisant des mineurs, tout en limitant au maximum les risques, dont celui de se voir dénoncé, associés à ses pratiques perverses. Voici la tâche essentielle, à laquelle s’est consacré celui qui avait pourtant reçu le sacrement de l'Ordre pour exercer une mission pastorale.

Tout a commencé avec des câlins comme pourrait faire un père ou une mère à son enfant. Paul, victime du père Bernard

Pour arriver à ses fins, Bernard Preynat devait donc aussi abuser psychologiquement ses victimes. C'est cet aspect du comportement du pédophile qui mérite particulièrement l'attention, car son décryptage devrait permettre à l'avenir d'offrir des moyens plus efficaces de combattre ce type d'abus.

Déplacement de la faute, usurpation du rôle paternel, manipulation de la réalité, rationalisation religieuse, peur des victimes, complaisance de l'église, silence de l’institution religieuse. Voici les ingrédients de l’abus dont Bernard Preynat a largement profité durant de son mandat de prêtre.

Par le simple fait qu'il était le représentant officiel de leur église, c’est évident que Bernard Preynat gagnait immédiatement la confiance de ses paroissiens. Il ne serait sans doute jamais venu à l'esprit de ces chrétiens convaincus que le loup puisse se trouver dans la bergerie. À partir du moment où la bonté humaine est la marque de fabrique supposée d'un groupe partageant les mêmes valeurs dans un milieu donné, il était très aisé de la part de Bernard Preynat d’en tirer parti, sans éveiller le moindre soupçon.

Tous les fidèles se reconnaissaient ainsi en Bernard Preynat. L’autorité naturelle que lui conférait sa fonction pastorale, lui permettait d’être accueilli comme un véritable guide spirituel par les familles de ses futures victimes.

Les cantiques et les prêches dominicaux de Bernard Preynat sur l'amour de Dieu et sur le pardon pour les pauvres pêcheurs entretenaient soigneusement l’illusion. À travers ses prédications et son travail d'évangélisation auprès de ses fidèles, Bernard Preynat exprimait très probablement sa sincère dévotion et son propre repentir. C'était un exemple à suivre. Un berger auquel chaque parent aimait confier ses enfants. Les camps de scouts, animés par le Père Bernard, rencontraient un franc succès. Bernard Preynat a vu défiler des milliers d'enfants lors de ses retraites spirituelles. De temps en temps, émoustillé par la vision de ces corps prépubères dans les dortoirs ou ailleurs, il ne pouvait se retenir d'aller plus loin.

Le passage à l'acte de Bernard Preynat n’était cependant pas désorganisé ou incontrôlé. Il s’exerçait dans un environnement propice, où le pédophile, contrairement au délinquant sexuel agissant avec une grande violence physique, pouvait facilement obtenir le consentement de ses victimes, en leur faisant croire que ses attouchements se réalisaient pour leur bien.

Tu es mon petit garçon. C'est un secret entre nous. Il faut faire attention que personne ne nous voie. Paul, victime du père Bernard

La violence de Bernard Preynat, bien avant son passage à l'acte, était empreinte de coercition et de manipulation. L'enfant, avant d’être violé, se trouvait tétanisé et subjugué. Avant de devenir un esclave sexuel, il était tout dévoué à l’enseignement de son maître. Celui-ci le violait spirituellement avant d’en prendre possession charnellement.

Bernard Preynat savait par expérience, pour avoir été en contact avec de nombreux enfants, quels étaient ceux qui succomberaient le plus facilement à ses avances perverses. Il parvenait sans peine à sélectionner les plus vulnérables. Ceux susceptibles d'accepter le chantage émotionnel sordide qu'il voulait leur imposer. Bernard Preynat misait non seulement sur sa stature de guide et sa réputation irréprochable, mais avant toute chose sur la symbolique de l’image paternelle dépravée qu’il visait à leur inculquer. Une image compensatoire qui se nourrissait des carences préexistantes qu’il avait décelées chez ses futures victimes.

Le Père Bernard s'imposait progressivement, auprès de ces enfants, comme leur seul et unique père. Le Père Bernard a abusé d’enfants qui ne se sont jamais plaints  à leur vrai père des traitements subis.  Le Père Bernard se faisait parfois inviter par les parents des enfants qu'il abusait sexuellement. Il était assis à la table de la famille et discutait calmement avec le père et la mère de ces enfants. Les enfants violés étaient les témoins de l'admiration que vouaient leurs parents au prêtre pédophile. Au début du repas, le Père Bernard bénissait les aliments offerts par le Seigneur, et tous les convives à l'unisson disaient Amen. Bien plus que celle du dieu biblique, c'est la volonté de Bernard Preynat qui se trouvait à chacune de ces occasions exaucée.

Dans ce contexte, que pouvait ressentir un enfant violé ?

Quels étaient ses moyens de réagir et de faire entendre sa voix, s'il constatait que ses proches étaient pendus aux lèvres du Saint-Père ?

Sans compter que le mode opératoire de Bernard Preynat ne consistait pas qu'à parfaire son image de parfait serviteur de l'Éternel. Seul à seul avec la victime vulnérable, il lui prodiguait un traitement combinant autant ses pratiques sexuelles perverses qu'un intense lavage de cerveau. Le Père Bernard était tour à tour l'adulateur de ces garçonnets imberbes, l'initiateur qui leur faisait découvrir leurs potentialités corporelles, le tentateur qui leur promettait le nirvana et le paradis, le complice qui les faisait goûter aux plaisirs défendus, le confident qui partageait leurs peines et leurs joies, le confesseur qui pardonnait leurs fautes, mais jamais les siennes, et finalement le punisseur qui les menaçait de l'enfer s'ils se confiaient à d'autres que lui.

Un homme charismatique comme Bernard Preynat savait parfaitement à quel point soigner les apparences, ce qui, sans doute, représentait dans son esprit pervers un sauf conduit suffisant pour se livrer à des actes contre-nature. D'autant plus que le diocèse a toujours préféré fermer les yeux sur les frasques de ses curés. Des simples accidents de parcours selon les supérieurs hiérarchiques de l’Église catholique de France. Une opinion partagée par le Vatican, contre vents et marées, dans le déni des nombreux scandales qui ont émaillé la vie des diocèses.

Le Père Bernard a échappé à la justice pendant 30 ans, car c'était lui l'émanation de la justice. De la justice divine, il va sans dire.

En 2015, une vingtaine de victimes décident cependant de sortir de leur silence et livrent des témoignages accablants au sujet des pratiques pédophiles du prêtre.

Le 17 janvier 2020, Bernard Preynat a été condamné, par le tribunal correctionnel de Lyon, à cinq ans de prison ferme pour agressions sexuelles sur mineurs.