Alors qu'un mot de travers ne fait généralement qu'effleurer la personne à qui il s'adresse, tout au moins si elle possède une saine auto-estime.  

De la même manière qu'il  y a  une différence entre un mot blessant, proféré de tant à autre, et des injures continuelles, il existe une différence notoire entre un coup de couteau donné dans un moment de folie passagère et des actes  récurrents de violence physique. 

Mais où se situe cette différence ?  

Il est parfois difficile de se prononcer. Dans ce dernier exemple nous pourrions très bien imaginer un seul coup de couteau fatal, alors que  la personne qui l'administre a peut être eu  un comportement irréprochable jusqu'alors. Par contre une violence physique  régulière, même si elle ne laisse que des contusions superficielles,  dénote d’une inclination perverse bien plus marquée. 

Cette volonté de nuire, si évidente dans la violence physique, pourrait cependant être totalement dissimulée dans sa forme psychologique, sans pour autant que la victime en souffre moins. 

Paradoxalement,   la deuxième forme de violence  pourrait laisser des séquelles plus graves, quoique invisibles. En effet, la victime pourrait se retrouver dans la confusion la plus totale, incapable de comprendre l'origine du châtiment qui s’abat sur elle. Elle pourrait même douter qu'on lui veuille vraiment du mal. Elle pourrait s’attribuer inconsciemment la responsabilité de ce qui lui arrive. D'autre part, la personne abusive pourrait ne jamais ressentir le besoin de s’excuser, laissant apparaître son acte comme parfaitement justifié. 

Saisir la différence revient donc à comprendre les vraies intentions de quelqu'un, qui sont d'autant plus obscures que cette personne ne manifeste  généralement aucun besoin de communiquer. 

Confronté à ce genre de black-out, l'erreur la plus courante est de penser qu'il est possible de mettre cette personne en position de se confier. Or rien n’est moins aisé. Il arrive fréquemment que tous les efforts employés à lui tirer les vers du nez demeurent vains. Elle reste muette comme une tombe. Si elle adopte une telle attitude, ce n'est généralement pas parce qu'elle a quelque chose à dissimuler, dont la divulgation pourrait être capitale. Non, c'est plutôt  parce que le mutisme sert ses intérêts immédiats. 

Saisir  la différence, consiste alors à ne pas juger une personne, dont le comportement nous est incompréhensible,  selon notre propre système de valeurs, mais plutôt le sien.  Et pour le comprendre, il s'agit non seulement de faire preuve d'empathie, ce qui est finalement assez contre productif si cette personne refuse de communiquer, mais surtout de se mettre à sa place, à la lumière de ce que nous savons d'elle.  C'est à partir des données disponibles de cette personne que nous pourrons alors faire la différence en adoptant un comportement adapté. 

L'abus est bien le résultat d'un processus de pensée qui débouche sur certains choix et actes que réalise cette personne.  Ne plus réagir faussement, en ayant l'impression que nous sommes la cause du problème n'est cependant pas suffisant, tant que nous ne définissons pas précisément notre rôle.  Notre implication devrait toujours dépendre d'une interaction dont les critères sont réciproquement reconnus et validés.

Cela est possible à la seule condition de mettre à l'épreuve nos partenaires, avant qu'il ne soit trop tard. Avant que le fossé qui nous sépare d’eux devienne tellement grand qu'il deviendra tout à fait illusoire de vouloir le colmater.